J'apprends la Démocratie

J'apprends la Démocratie

Ce qui cloche avec Greta Thunberg

18 décembre 2018 - L’appel de Greta Thunberg

18 décembre 2018 / Dorothée Moisan (Reporterre)

https://reporterre.net/L-appel-de-Greta-Thunberg

 

 

C’est lors de la COP24, en décembre 2018, en Pologne, que Greta Thunberg a gagné une célébrité internationale. Reporterre, sur place, a été frappée par sa sincérité. Et son appel vibrant à agir, enfin, contre le changement climatique.

 

Samedi 15 décembre, le dernier jour de la COP24, à Katowice, une voix déterminée a résonné sur YouTube : la jeune Suédoise Greta Thunberg donnait une formidable claque aux dirigeants de la planète :

 

« Notre biosphère est sacrifiée pour que des personnes riches vivant dans des pays comme le mien puissent vivre dans le luxe. […] En 2078, je fêterai mes 75 ans. Si j’ai des enfants, […] peut-être me demanderont-ils pourquoi vous n’avez rien fait alors qu’il était encore temps. Vous dites que vous aimez vos enfants plus que tout au monde, et pourtant vous leur volez leur futur. […] Vous nous avez ignorés dans le passé et vous continuerez à nous ignorer. […] Nous sommes venus ici pour vous faire savoir que le changement était en train d’arriver, que vous le vouliez ou non. »

 

 

 

 

 

You Are Stealing Our Future: Greta Thunberg, 15, Condemns the World’s Inaction on Climate Change


 

 

En tout cas, quoi qu'on en dise, le discours est beau et devrait être motivant !

 


 

 

 

 

 

 

 

Le capitalisme vert utilise Greta Thunberg

9 février 2019 / Isabelle Attard 

Un article Reporterre.net

https://reporterre.net/Le-capitalisme-vert-utilise-Greta-Thunberg

 

arton16670-31728.jpg

 

Notre chroniqueuse a vécu plusieurs années en Laponie suédoise et a présidé le groupe d’amitiés France-Suède à l’Assemblée nationale. C’est donc avec un regard attendri qu’elle s’est penchée sur l’histoire de la jeune militante écologiste Greta Thunberg...

Isabelle Attard a été députée écologiste du Calvados. Elle se présente comme « écoanarchiste ».

 

 

Depuis environ cinq mois, une jeune Suédoise de 16 ans, autiste Asperger, se retrouve sous les projecteurs médiatiques du monde entier. Elle fait la « grève de l’école » pour se faire entendre et son combat est juste. Il s’agit pour elle de passer un message aux milliardaires, aux décideurs politiques, que ce soit à la COP24 en Pologne ou dernièrement à Davos afin qu’ils respectent leurs engagements sur le climat. Son dernier discours a ému quasiment tous les militants écologistes de la planète :

Je ne veux pas que vous soyez désespérés, je veux que vous paniquiez. Je veux que vous ressentiez la peur qui m’habite chaque jour et que vous agissiez, comme s’il y avait le feu, parce que c’est le cas. […] Il y a encore une petite chance de stopper les émissions de gaz à effet de serre afin d’éviter des souffrances pour une grande partie de la population de la planète. »

Derrière ces moments forts, on trouve un petit génie suédois des « public-relations », Ingmar Rentzhog. L’envers du conte de fées est moins joli, mais plus intéressant.

Le journaliste d’investigation suédois Andreas Henriksson est, d’après mes recherches, le premier à avoir enquêté sur ce sujet et son article a été publié sur le blog de Rebecca Weidmo Uvell, le 11 décembre 2018.

Tout a été finement programmé pour transformer la jeune Suédoise en héroïne internationale

La belle histoire de Greta Thunberg commence le 20 août 2018. Ingmar Rentzhog cofondateur de la start-up We Don’t Have Time (Nous n’avons pas le temps) croise Greta Thunberg devant le Parlement suédois et publie un post émouvant sur sa page Facebook. Nous sommes le 1er jour de la grève commencée par Greta. Le 24 août, sort en librairie une autobiographie mêlant crise familiale et crise climatique, Scener ur hjärtat, corédigée par Malena Ernman la mère de Greta, Svante Thunberg son père, Beata, sa sœur, et Greta. Les parents artistes - chanteuse lyrique et acteur - sont très connus en Suède ; Greta, pas encore.

En fait Ingmar Rentzhog et la famille de Greta se connaissent déjà et ont participé ensemble à une conférence sur le climat le 4 mai 2018. Peu de place au hasard donc, dans la rencontre à Stockholm, sur le trottoir devant le Parlement entre Ingmar et Greta.

Tout a été finement programmé pour transformer la jeune Suédoise en héroïne internationale, et ce, dès le 1er article paru dans le quotidien le plus lu dans le pays, Aftonbladet, quelques heures seulement après le post Facebook de Rentzhog.

We Don’t Have Time, la start-up qu’il a cofondée en 2016, a l’ambition de créer un réseau social de plus de 100 millions de membres, qui influencera les hommes et femmes politiques et les chefs d’entreprise pour qu’ils agissent davantage contre le réchauffement climatique. C’est ce qui apparaît en tout cas dans leur plaquette web.

C’est la que ça se complique. Parmi les actionnaires de la start-up, on trouve les membres de deux familles interconnectées : les Persson, enfants du milliardaire Sven Olof Persson, qui a fait fortune, entre autres, dans la vente de voitures (Bilbolaget Nord AB) et les Rentzhog. Les deux familles d’investisseurs, qui se sont rencontrées dans la région du Jämtland, n’ont aucun lien avec l’écologie, ce sont des spécialistes de la finance.

 

Sauver la planète tout en maintenant la croissance économique et en réclamant encore plus de mondialisation

En mai 2018, Ingmar Rentzhog est recruté comme président-directeur du think tank Global Utmaning, faisant la promotion du développement durable et se déclarant politiquement indépendant. Sa fondatrice n’est autre que Kristina Persson, fille du milliardaire et ex-ministre social-démocrate chargée du développement stratégique et de la coopération nordique entre 2014 et 2016. Via l’analyse des tweets du think tank, on observe un engagement politique fort, à l’aube des élections européennes, envers une alliance qui irait des sociaux-démocrates à la droite suédoise. L’ennemi étant « les nationalismes » émergeant partout en Europe et dans le monde. Des idées qui ne déplairaient pas à notre cher président Macron.

Le 16 janvier 2019, Global Utmaning était fière d’annoncer sur les réseaux sociaux sa nouvelle collaboration avec Global Shapers, une communauté de jeunes dirigeants de 20 à 30 ans « dotés d’un grand potentiel pour jouer un rôle dans l’avenir de la société et qui travaillent à améliorer la situation des populations autour d’eux ». Ce réseau a été créé de toutes pièces par le Forum économique mondial en 2011. Ses leaders entendent bien sauver la planète tout en maintenant la croissance économique et en réclamant encore plus de mondialisation. Tout un programme.

Je résume. Nous avons d’un côté une plateforme numérique en construction, We Don’t Have Time, qui a pris un réel essor il y a quelques mois grâce à Greta Thunberg, « jeune conseillère » de la fondation dirigeant cette plateforme. J’ai oublié de préciser au passage que les centaines de milliers d’adresses mail collectées par Rentzhog valent de l’or. Et de l’autre, nous avons une famille de milliardaires comptant une ex-ministre qui investit dans cette start-up, puis qui embauche Ingmar Rentzhog dans un think tank développant les thèmes de la croissance verte, de l’économie circulaire, bref, de greenwashing.

Ce greenwashing qui permet au capitalisme de perdurer. Greta Thunberg se retrouve à conseiller ceux qu’elle fustige. Comme disait l’auteur du Guépard, « si nous voulons que tout reste tel que c’est, il faut que tout change » (Guiseppe Tomasi Di Lampedusa).

  • Post-scriptum : Que les choses soient claires : le combat de cette adolescente et de tous les jeunes qui lui emboitent le pas, partout dans le monde, est sain et une formidable source d’espoir pour la prise de conscience écologiste.
    Par contre, je pense qu’il ne faut pas être dupe du rôle de certains adultes autour d’elle, spindoctor, mentor, spécialistes du greenwashing, de la croissance verte et du capitalisme. Pour lutter efficacement, ne pas être dupe est une nécessité.
  • Reporterre a été le premier média français à interviewer Greta Thunberg et à relayer son appel de décembre 2018 devant les Nations Unies : lire ici.

 

La jeune militante du climat Greta Thunberg répond à ses détracteurs

13 février 2019 / Greta Thunberg

Un article Reporterre.net

https://reporterre.net/La-jeune-militante-du-climat-Greta-Thunberg-repond-a-ses-detracteurs

 

arton16692-b48bf.jpg

 

a grève de l’école de la jeune Suédoise Greta Thunberg connaît une notoriété internationale et lui vaut un certain nombre de critiques. Dans cette tribune, elle défend l’honnêteté de son engagement.

Greta Thunberg est une jeune militante suédoise qui fait la grève de l’école pour alerter sur la crise climatique. Cette tribune est la traduction d’un post de sa page Facebook du 2 février 2019 dans lequel elle répond à ses détracteurs. Reporterre, dans une chronique, décrivait notamment « l’envers de ce conte de fées ».

 

Récemment, j’ai vu beaucoup de rumeurs circuler à mon sujet et d’énormes quantités de haine. Ce n’est pas une surprise pour moi. Je sais que, puisque la plupart des gens ne sont pas conscients de la pleine signification de la crise climatique (ce qui est compréhensible puisqu’elle n’a jamais été traitée comme une crise), une grève scolaire pour le climat peut sembler très étrange aux gens en général.

Permettez-moi donc de clarifier certaines choses au sujet de ma grève de l’école.

En mai 2018, j’ai été l’une des lauréats d’un concours de rédaction sur l’environnement organisé par Svenska Dagbladet, un journal suédois. J’ai fait publier mon article et certaines personnes m’ont contactée, entre autres Bo Thorén, de Fossil Free Dalsland. Il appartenait à un groupe de personnes, surtout des jeunes, qui voulaient faire quelque chose au sujet de la crise climatique. J’ai eu quelques réunions téléphoniques avec d’autres militants. L’objectif était de trouver des nouveaux projets pour attirer l’attention sur la crise climatique. Bo avait quelques idées. Notamment une idée vague d’une grève scolaire (que les écoliers fassent quelque chose dans les cours d’école ou dans les salles de classe), inspirée par les étudiants de Parkland qui avaient refusé d’aller à l’école après la fusillade. J’ai aimé l’idée d’une grève scolaire. Je l’ai donc développée et j’ai essayé d’amener les autres jeunes à se joindre à moi, mais personne n’était vraiment intéressé. Ils pensaient qu’une version suédoise de la marche Zero Hour aurait des effets plus importants. J’ai donc continué à planifier la grève de l’école toute seule et après cela, je n’ai plus participé à d’autres réunions avec ce groupe.

 

 

Il n’y a personne « derrière » moi, sauf moi-même 

 

Quand j’ai parlé de mes projets à mes parents, ils n’ont pas été conquis. Ils n’étaient pas favorables à une grève dans les écoles et ils ont dit que, si je le faisais, je devais le faire toute seule et sans leur soutien.

 

Le 20 août, je me suis assise devant le Parlement suédois. J’ai distribué des tracts avec une longue liste de faits sur la crise climatique et des explications sur les raisons de ma grève. La première chose que j’ai faite a été d’afficher sur Twitter et Instagram ce que je faisais et ça a vite été viral. Puis, les journalistes ont commencé à arriver. Ingmar Rentzhog, entrepreneur suédois et homme d’affaires actif dans le mouvement climatique, a été parmi les premiers. Il m’a parlé et a pris des photos, qu’il a affichées sur Facebook. C’était la première fois que je le rencontrais et que je lui parlais. Je n’avais jamais communiqué avec lui, je ne l’avais jamais rencontré auparavant.

 

Beaucoup de gens aiment répandre des rumeurs disant que j’ai des gens « derrière moi » ou que je suis « payée » ou « utilisée » pour faire ce que je fais. Mais il n’y a personne « derrière » moi, sauf moi-même. Mes parents étaient aussi éloignés que possible des militants climatiques avant que je ne leur fasse prendre conscience de la situation.

 

Je ne fais partie d’aucune organisation. Je soutiens et coopère parfois avec plusieurs ONG qui travaillent dans les domaines du climat et de l’environnement. Mais je suis absolument indépendante et je ne représente que moi-même. Et je fais ce que je fais complètement gratuitement, je n’ai reçu aucune somme d’argent ni aucune promesse de paiements futurs, sous quelque forme que ce soit. Et personne lié à moi ou à ma famille ne l’a fait non plus.

 

Et bien sûr, ça restera comme ça. Je n’ai pas rencontré un seul militant climatique qui se batte pour le climat pour de l’argent. Cette idée est complètement absurde. De plus, je ne voyage qu’avec la permission de mon école et mes parents paient les billets et l’hébergement.

 

Ma famille a écrit un livre sur la façon dont ma sœur Beata et moi avons influencé la manière dont mes parents pensent et voient le monde, surtout en ce qui concerne le climat. Et à propos de nos diagnostics.

 

Asperger n’est pas une maladie, c’est un don

 

Ce livre [1] devait paraître en mai [2018]. Mais comme il y avait un désaccord majeur avec la maison d’édition, nous avons fini par changer d’éditeur et le livre est sorti en août [2018] à la place.

 

Avant la sortie du livre, mes parents ont clairement indiqué que les bénéfices qu’ils pourraient en tirer iront à huit associations caritatives différentes travaillant dans les domaines de l’environnement, du soutien aux enfants malades et de défense des droits des animaux.

 

Eh oui, j’écris mes propres discours. Mais comme je sais que ce que je dis va toucher beaucoup, beaucoup de gens, je demande souvent des avis. J’ai aussi quelques scientifiques à qui je demande fréquemment de l’aide pour exprimer certaines questions complexes. Je veux que tout soit absolument correct afin de ne pas répandre des faits erronés, ou des choses qui peuvent être mal comprises.

 

 

Certaines personnes se moquent de moi à cause de ma différence. Mais Asperger [2] n’est pas une maladie, c’est un don. Les gens disent aussi que, parce que j’ai Asperger, je n’aurais pas pu décider seule de me mettre dans cette position. Mais c’est exactement pour cette raison que je l’ai fait. Parce que, si j’avais été « normale » et sociable, j’aurais intégré une association, ou j’en aurais fondé une moi-même. Mais comme je ne suis pas très sociable, j’ai fait la grève de l’école à la place. J’étais tellement frustrée que rien ne soit fait pour lutter contre la crise climatique et j’avais l’impression que je devais faire quelque chose, n’importe quoi. Et, parfois, NE PAS faire les choses — comme simplement s’asseoir devant le Parlement et ne plus aller à l’école — parle bien plus fort que d’agir. Comme un murmure est parfois plus fort qu’un cri.

Il y a aussi une critique selon laquelle je « parle et écris comme un adulte ». À cela, je ne peux que répondre : ne pensez-vous pas qu’une adolescente de 16 ans puisse parler d’elle-même ? Il y a aussi des gens qui disent que je simplifie trop les choses. Par exemple, quand je dis que « la crise climatique a une réponse simple : c’est tout noir ou tout blanc », « nous devons arrêter les émissions de gaz à effet de serre » et « je veux que vous paniquiez ». Mais je dis ça parce que c’est vrai. Oui, la crise climatique est la question la plus complexe à laquelle nous ayons jamais été confrontés et il va falloir tout faire pour y mettre fin. Mais la solution est simple : nous devons mettre un terme aux émissions de gaz à effet de serre.

Comme presque personne ne fait rien et que notre avenir même est en danger, nous pensons que nous devons continuer

C’est tout noir ou tout blanc, parce que, soit nous limitons le réchauffement à 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels, soit nous ne le faisons pas. Soit nous atteignons un point de basculement où nous commençons une réaction en chaîne avec des événements hors du contrôle humain, soit nous ne le faisons pas. Soit nous continuons en tant que civilisation, soit nous ne le faisons pas. Il n’y a pas de zones grises quand il s’agit de survie.

Et quand je dis que je veux que vous paniquiez, je veux dire que nous devons traiter la crise comme une crise. Lorsque votre maison est en feu, vous ne vous asseyez pas et ne parlez pas de la façon dont vous pourrez la reconstruire une fois que vous aurez éteint le feu. Si votre maison est en feu, vous sortez en courant et vous vous assurez que tout le monde soit dehors pendant que vous appelez les pompiers. Cela exige un certain niveau de panique.

 

Il y a un autre argument contre lequel je ne peux rien faire. Et c’est le fait que je ne suis « qu’une enfant et que nous ne devrions pas écouter les enfants ». Mais, c’est facile de répondre : il suffit de commencer à écouter la science, solide comme le roc, à la place. Parce que si tout le monde écoutait les scientifiques et entendait les faits que j’évoque constamment, personne n’aurait à m’écouter ou à écouter les centaines de milliers d’autres écoliers en grève pour le climat dans le monde. On pourrait tous retourner à l’école.

Je ne suis qu’un messager, et pourtant je reçois toute cette haine. Je ne dis rien de nouveau, je dis simplement ce que les scientifiques répètent depuis des décennies. Et je suis d’accord avec cette critique : je suis trop jeune pour faire ça. Nous, les enfants, on ne devrait pas avoir à faire ça. Mais, comme presque personne ne fait rien et que notre avenir même est en danger, nous pensons que nous devons continuer.

Et si vous avez d’autres préoccupations ou doutes à mon sujet, vous pouvez écouter mon exposé TED dans lequel je raconte comment mon intérêt pour le climat et l’environnement a commencé.

Et merci à tous pour votre soutien ! Ça me donne de l’espoir.

 

 

 



26/06/2019
0 Poster un commentaire

A découvrir aussi


Ces blogs de Politique & Société pourraient vous intéresser

Inscrivez-vous au blog

Soyez prévenu par email des prochaines mises à jour

Rejoignez les 89 autres membres