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Environnement, évasion fiscale, secret des affaires, etc L’empire d’Amazon s’étend en France : l’enquête de Reporterre

L’empire d’Amazon s’étend en France : l’enquête de Reporterre

Reporterre.net

18 juillet 2019 / Gaspard d’Allens et Franck Dépretz (Reporterre)

https://reporterre.net/L-empire-d-Amazon-s-etend-en-France-l-enquete-de-Reporterre

 

Amazon a jeté son dévolu sur la France. Dans une enquête en trois volets, dont voici la compilation, et avec une carte exclusive, Reporterre détaille la stratégie de la multinationale, qui multiplie les infrastructures en mettant en concurrence les territoires sinistrés et sans considération écologique.

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Le plan secret d’Amazon en France

2 juillet 2019 / Gaspard d’Allens (Reporterre)

https://reporterre.net/Le-plan-secret-d-Amazon-en-France

 

Enquête 1/3 - Amazon rêve d’un monde où ses clients seraient livrés en un jour. Pour y parvenir, la multinationale multiplie les hangars démesurés où se succèdent les camions. Ce développement, en France, suit une stratégie de mise en concurrence de territoires souvent sinistrés. Reporterre la détaille et publie la carte exclusive des implantations d’Amazon.

 

 

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L'empire d'amazon en France

 

En France, une nouvelle génération d’entrepôts se construit, de plus en plus imposants

Derrière la facilité d’un clic et l’interface lisse d’un site internet se cache parfois un monstre. Amazon, le géant du commerce électronique, se bâtit en France un empire. Poussée par l’explosion de la vente en ligne, la multinationale multiplie la construction de ses immenses plateformes logistiques, alimente un flux incessant de camions et courtise les élus locaux pour devenir hégémonique. C’est l’envers du numérique. Un horizon de béton, de pollution et de chantage fiscal dont Reporterre dévoile les coulisses.

Arrivée en 2007 en France, Amazon a inauguré son premier entrepôt, de 70.000 m², à Saran, près d’Orléans (Loiret). En 2010, un nouveau hangar de 36.000 m² est sorti de terre à Montélimar (Drôme). Suivi d’un autre de 50.000 m2 en 2012, à Sevrey (Saône-et-Loire). Un an plus tard, c’est dans le Nord, à Lauwin-Planque qu’Amazon a renforcé son emprise avec un pôle logistique de 90.000 m². Ses véhicules de livraison sillonnent, depuis, le pays. La toile de la multinationale s’étend. Comme le montre la carte que publie aujourd’hui Reporterre. En cliquant sur l’image de chaque site, on voit le détail de l’implantation.

 

En dix ans, Amazon a bouleversé les habitudes des consommateurs : 91 % des Français connaissent désormais l’entreprise. Ils sont 21,5 millions à avoir acheté au moins un article sur son site internet l’an passé pour un montant total qui dépasse les 6,5 milliards d’euros. Amazon est le premier distributeur de produits non alimentaires en France, le second de produits électroniques. Aucune enseigne ne peut rivaliser. Là où un centre commercial classique propose au maximum 100.000 articles, le cybermarchand peut en offrir 250 millions sur son site, à bas prix et avec une livraison rapide.

Fort de cet avantage, la multinationale a acquis la première place à la bourse de Wall Street. En janvier 2019, elle est devenue l’entreprise la mieux cotée au monde avec une valeur boursière qui approche les 800 milliards de dollars. Rien ne semble pouvoir l’arrêter.

Partout, ses chantiers s’intensifient. En France, une nouvelle génération d’entrepôts se construit, de plus en plus imposants. À Boves, dans la Somme, une plateforme logistique de 107.000 m² a ouvert en 2017, inaugurée par le président de la République, Emmanuel Macron. À Brétigny-sur-Orge (Essonne), au sud de Paris, un entrepôt de 142.000 m² entrera en service fin 2019. Une taille record. D’ordinaire, les surfaces des plateformes logistiques atteignent, en France, une moyenne de 17.500 m². Chez Amazon, elles sont désormais huit fois plus grandes.

L’entreprise s’est fixée pour objectif de livrer ses clients en un jour. C’est son obsession. Elle a récemment créé un service premium à cet effet. « Quand je suis chez moi, à Telgruc-sur-Mer, dans la presqu’île de Crozon, j’ai les mêmes possibilités d’achat que si j’étais à Paris. C’est formidable de permettre à tous les Français de disposer de la même offre où qu’ils soient », s’enthousiasme ainsi Frédéric Duval, le directeur de la succursale d’Amazon en France, dans un entretien au Journal du dimanche.

Mais cette jolie fable nécessite une infrastructure démentielle. Raccourcir de moitié le temps de livraison implique de doubler les surfaces logistiques. Pour réaliser son rêve, Amazon doit donc sans cesse s’agrandir et partir à la conquête de nouveaux territoires. Reporterre a étudié ses méthodes. Un scénario bien rodé, où règne la loi du silence.

Amazon a été vivement prise à partie par le mouvement des Gilets jaunes 

L’entreprise ne communique jamais sur ses nouveaux projets et laisse planer le doute sur sa possible installation.

[...]

Mais les opposants à Amazon, eux, le voient d’un autre œil. « En ne donnant pas son vrai nom, l’entreprise évite la contestation sur ses sites en construction », dit Christian Soubra, conseiller municipal dans un village situé à proximité de Brétigny-sur-Orge.

Depuis novembre 2018, Amazon a été vivement prise à partie par le mouvement des Gilets jaunes. On compte pas moins de 16 blocages comme le recense la carte de Reporterre. « Amazon craint la formation de Zad », croit savoir Jérôme Bascher, sénateur Les Républicains (LR) de l’Oise.

En décembre dernier, les zadistes de Notre-Dame-des-Landes ont d’ailleurs reçu un étrange coup de fil alors qu’ils se mobilisaient contre un projet d’entrepôt logistique à deux pas du bocage rebelle :

Bonjour Monsieur, je suis responsable de communication chez Amazon. Nous cherchons à entrer en contact avec la Zad pour vous assurer que nous n’allons pas installer d’entrepôt logistique à Grandchamps-des-Fontaines. Nous vous serions donc fort reconnaissants de mettre fin à votre campagne de communication à ce sujet. »

 

« Faire du chantage à l’emploi, négocier des avantages fiscaux » 

Pour ne pas rencontrer de résistance, la multinationale agit donc dans l’ombre. Elle sélectionne aussi les territoires où elle souhaite s’implanter. « Elle cible d’abord des régions paupérisées, abandonnées par l’industrie où elle peut facilement faire du chantage à l’emploi, négocier des avantages fiscaux », remarque Raphaël Pradeau, porte-parole de l’association Attac. À Brétigny-sur-Orge, la base aérienne a fermé en 2012, faisant disparaître 3.000 emplois. À Senlis, une garnison a déménagé en 2009. À Boves, près d’Amiens, Amazon s’est installée sur les cendres de Goodyear et de Whirlpool.

Les territoires sont mis directement en concurrence. Un élu de la métropole d’Amiens le reconnaît :

On a été plus réactifs et plus discrets que d’autres. Nous étions en compétition avec des communes voisines de Roissy et avec l’Allemagne. Mais tout ça, pour nous, restait assez imprécis. On nous demandait juste le silence complet. »

Même son de cloche à Fournès, dans le Gard, où certains élus se démènent pour qu’un entrepôt logistique s’implante. La situation financière de la communauté de communes du Pont-du-Gard, dans laquelle se trouve le village de Fournès, est très fragile. 300.000 euros de recette fiscale par an ont été perdus à la suite de la fermeture de la centrale électrique d’Aramon, et 600 emplois ont été supprimés. « Sans grand projet d’aménagement, notre collectivité va exploser », dit Gérard Pedro, le maire de Rémoulin.

 

Lors d’un conseil communautaire, un autre élu, Didier Vignolle, l’a dit sans ambages :

Aujourd’hui, même si le projet logistique d’Amazon est un contre-exemple tant sur le plan social que fiscal, environnemental et sociétal et donc un modèle à combattre fermement, il est certain que s’il ne se fait pas chez nous, il se fera ailleurs, et le territoire perdra les emplois et les recettes fiscales. »

Les élus sont donc prêts à s’agenouiller devant la multinationale. À Boves, près d’Amiens, on n’hésite pas à voir Amazon en sauveur. En 2017, alors même que l’entreprise était en contentieux fiscal avec Bercy, Emmanuel Macron inaugurait la nouvelle plateforme. Avec un discours élogieux :

Amazon fait partie des projets structurants dont la région a besoin pour repartir de l’avant, montrer qu’il y a un avenir, y compris un avenir économique et industriel dans l’Amiénois […] Je voudrais saluer votre choix d’avoir fait confiance à des femmes et des hommes qui, pour plus de la moitié d’entre eux, étaient dans une situation de chômage de longue durée […] . On ne crée pas d’emploi par décret. On ne crée pas d’emploi en obligeant les entreprises à embaucher, mais on le fait quand il y a des histoires de croissance, quand il y a de la compétence et quand il y a une mobilisation générale.»

 

[...]

 

Amazon a su négocier son arrivée. À Amiens, pour accueillir l’entrepôt de Boves, les élus locaux ont dépensé 3 millions d’euros. Ils ont réaménagé des routes et construit un rond-point au bénéfice de l’entreprise. De manière générale, sur chacun de ses sites, la multinationale a demandé aux élus de sortir le chéquier. À Senlis, l’intercommunalité a déboursé plus de 100.000 euros pour améliorer l’accès au site. Le plan local d’urbanisme a aussi dû être modifié extrêmement rapidement, avec l’aval d’un architecte des Bâtiments de France, car, depuis le site logistique, on peut voir la cathédrale de Senlis. « On embête nos administrés pour la pose d’un Velux ou un ravalement de façade. Mais une multinationale, elle, peut obtenir une dérogation pour bâtir 55.000 m² d’entrepôts à côté d’un monument ! Nous n’avons pas les mêmes droits », s’insurge Philippe Charrier, le maire de Chamant.

À Brétigny-sur-Orge, Christian Soubra, lui aussi, n’en revient pas :

En 19 ans de mandat, je n’avais jamais vu ça ! Amazon a conditionné le paiement de l’achat des terrains au fait que les voiries d’accès soient totalement réalisées par l’agglomération. La communauté d’agglomération a vendu les parcelles 18 millions d’euros mais doit faire plus de 13 millions d’euros de travaux.»

 

L’entreprise a aussi bénéficié d’une exonération de la taxe d’aménagement. Elle fixe ses propres règles. Les élus locaux espèrent ensuite un retour sur l’investissement. « Mais pourquoi Amazon, qui ne paye pas ses impôts en France, payerait-elle ses taxes à la communauté d’agglomération Cœur d’Essonne ? se demande Christian Soubra. Pourquoi serait-elle plus vertueuse avec une collectivité locale qu’avec l’État français ? » Les promesses n’engagent que ceux qui y croient. À Brétigny-sur-Orge, le nombre d’emplois prévu a baissé de moitié. Amazon recrutera moins d’un millier d’employés au lieu des 2.200 annoncés.

 

[...]

 


 

Comment Amazon impose la loi du silence à des élus locaux

3 juillet 2019 / Franck Dépretz (Reporterre)

https://reporterre.net/Comment-Amazon-impose-la-loi-du-silence-a-des-elus-locaux

 

Enquête 2/3 - Pendant des mois, l’installation d’Amazon sur une ancienne base aérienne militaire près de Metz était tenue secrète. La raison : un unique élu a signé, au nom des 108 que compte la métropole, un « accord de non-divulgation » avec la multinationale. Reporterre dévoile les coulisses de cette « négociation ».

 

« Préserver les terres agricoles », « revivifier la biodiversité », « accueillir de jeunes agriculteurs », « développer le circuit court »… En marge du G7 des ministres de l’Environnement, des Océans et de l’Énergie, qui se tenait à Metz en ce début du mois de mai, Jean-Luc Bohl, le président de Metz métropole (UDI), et son conseiller délégué au développement de l’agriculture périurbaine ne manquaient pas de belles formules pour évoquer leur Agrobiopôle, sur le plateau de l’ancienne base aérienne de Metz-Frescaty. Juste en bordure de ces 70 hectares dédiés à l’agriculture périurbaine, pourtant, on attend la venue d’une multinationale étasunienne peu réputée pour « favoriser les produits de proximité » ou pour « pour améliorer l’alimentation, le bien-être de tous », à l’inverse de ses voisins maraichers. Son nom : Amazon.

Pourtant, au centre Pompidou-Metz, en pleine conférence sur les « territoires écologiques et solidaires », étrangement, le sujet semblait tabou. Nous attendions le moment des questions du public pour intervenir. Mais il semblait que Jean-Luc Bohl n’avait pas le droit de prononcer le mot Amazon.

[...]

Jean-Luc Bohl et Amazon.

« Je n’ai pas à parler maintenant et c’est tout ! » nous répondit-il, sèchement. Est-il tenu de garder le silence du fait de la clause de confidentialité conclue entre Metz métropole et le groupe du milliardaire Jeff Bezos ? Pour tout comprendre, il faut revenir quelque temps en arrière.

 

« Éléments couverts par le secret des affaires » 

Juin 2012 : l’aéroport militaire de Metz-Frescaty ferme. Pour combler le départ des 2.600 militaires — et des 5.000 emplois qui allaient avec —, les élus de la métropole lancent un vaste projet de reconversion pour les 380 hectares de ce site, renommé plateau de Frescaty, qui se trouve au sud-ouest de la capitale de Moselle. Sous les zones commerciales, agricoles, économiques, sportives, la « pointe Sud » du plateau doit aussi bien accueillir des artisans qu’un monumental entrepôt logistique sur la commune d’Augny. Haut de 23,72 mètres, il est s’étendre sur 54.391 m² au sol — pour une surface totale de 185.331 m² sur quatre niveaux.

 

Sur les centaines de pages de rapports, enquêtes, études, délibérés qui annoncent la création de cette « plateforme logistrielle à vocation nationale et internationale » [1], le nom d’Amazon n’apparait pas une seule fois. Officiellement, parce que le géant du commerce en ligne n’est que le potentiel locataire. L’exploitant du site est Argan, une société foncière de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine) spécialisée en développement et location de plateformes logistiques.

 

Si Amazon exige l’anonymat absolu, ce serait aussi pour éviter d’attirer l’attention de ses concurrents. « Amazon voulait s’implanter quelque part entre la Belgique, le Luxembourg et le Grand Est. Ils recherchaient une ancienne friche en plein cœur d’agglomération. Plusieurs entreprises internationales, dont UPS, nous ont dit être intéressées par ce site », se souvient Henri Hasser. Le vice-président à l’aménagement économique et à la planification territoriale fait partie de « la poignée d’élus » qui ont trouvé un nom de code digne d’un film d’espionnage étasunien pour nommer administrativement la venue d’Amazon : « Projet Delta ». On voudrait en savoir davantage. Ses souvenirs sont vagues : « On a décidé, comme ça, entre nous, qu’on l’appellerait Delta, voilà… Je ne sais plus qui l’a sorti. » C’est pourtant lui, le maire de Ban-Saint-Martin, l’unique élu métropolitain à avoir signé au nom de toute la collectivité, dès novembre 2016, une clause de confidentialité avec Amazon. Et dans une totale ignorance du contenu du texte… entièrement rédigé dans un anglais abscons et abstrait.

[...]

 

« Je ne la publierai pas, c’est tout ! C’est moi qui l’ai signée. Ça ne regarde personne », déclarait Henri Hasser au téléphone quelques jours avant que Reporterre ne se procure le document par ses propres moyens. Le troisième vice-président de Metz métropole assumait « prendre le risque » de ne pas se conformer à l’autorité administrative française pour… respecter la loi du silence imposée par l’entreprise aux 6,6 milliards d’euros de chiffre d’affaires en France.

« Un seul homme qui signe pour toute la collectivité… c’est du n’importe quoi ! » Philippe Casin fait partie des 107 élus de Metz métropole (sur 108) qui n’ont rien signé et ont été engagés (sans en avoir été informés) à ne rien communiquer autour de la venue d’Amazon à Metz-Frescaty. Mais il est le seul à avoir saisi la Cada et ainsi obligé les services de Metz métropole à lui transmettre la clause de confidentialité fin mai.

 

« Malgré tout le respect que j’ai pour les juristes de Metz métropole, ajoute cet opposant sans étiquette, vous avez en face une puissance juridique, une multinationale qui connait très bien le droit international — au point d’être adepte de l’optimisation fiscale. Comment peut-on laisser une personne seule engager toute la collectivité comme ça ? Sans avoir derrière des rapports de juristes ? Des élus qui pèsent le pour et le contre ? »

Pourtant, rares sont les élus qui ont protesté contre cette décision. Lorsqu’on leur a laissé le choix, lors des deux votes consacrés à la réalisation de la pointe Sud – comprendre : Amazon — en octobre et décembre 2018, les membres du conseil métropolitain n’étaient que 4 et 8 à avoir voté « contre »… D’autres décisions relatives à l’aménagement du plateau de Frescaty ont été prises (sans vote) lors de bureaux délibérants auxquels ne peuvent accéder que cinquante élus (vice-présidents, délégués, maires…).

 

[...]

 

Si la plateforme logistique sortait de terre un jour, pas moins de 5.600 déplacements de véhicules, tous modes confondus, dont 610 aller-retour de poids lourds, perturberaient la tranquillité de cette localité de moins de 2.000 habitants. Nicolas et sa femme habitent le long d’une départementale « déjà saturée à l’heure de pointe », qui risque d’être l’un des axes névralgiques du plateau de Frescaty. Sa maison devrait, quant à elle, être encerclée par deux voies d’accès menant à l’entrepôt, à moins de 200 mètres l’une de l’autre. « On est en train de détruire un village. Pas loin d’Amazon il y a une école primaire et une maternelle. Comment s’assurer que les camions ne passent pas dans le centre-ville ? »

Avec la police municipale et des caméras de surveillance, répond la mairie. Et pour limiter les nuisances sonores, des merlons – de grosses butes de « terre végétale » — de deux mètres de hauteur et des « arbres à hautes tiges » devraient longer les zones sensibles. Le maire d’Augny promet d’« intégrer le projet à son environnement » via la protection d’espaces boisés, la renaturation d’un cours d’eau, la limitation de la vitesse, l’interdiction pour les camions de circuler dans le village, la création de voies d’accès douces pour les transports en commun, vélos et piétons, ou encore l’arrivée d’un nouveau bus à haut niveau de service sur site propre qui reliera le plateau de Metz-Frescaty au reste de l’agglomération.

 

[...]

 


 

Amazon grandit, l’environnement pâtit

4 juillet 2019 / Gaspard d’Allens (Reporterre)

  https://reporterre.net/Amazon-grandit-l-environnement-patit

 

Enquête 3/3 – Bétonisation à outrance, multiplication du transport routier, surconsommation d’objets électroniques, destruction des invendus, fret aérien… : le système d’Amazon pèse lourdement sur la planète.

 

C’est l’enjeu caché de l’extension de la vente en ligne. Pour les Amis de la Terre, Amazon est le symbole d’un modèle qui pousse à la surconsommation et alimente une société du tout jetable. Avec ANV-COP21, l’association a bloqué plusieurs sites du géant étasunien mardi 2 juillet. Car Amazon ne correspond pas seulement à une plateforme internet, affirment ses opposants, le géant du e-commerce est d’abord l’un des plus grands distributeurs du monde. En France, Amazon est le second vendeur de produits électroniques. Selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), la consommation du type d’objets vendus sur Amazon, comme les télévisions, les smartphones, l’électroménager ou les vêtements, représente un quart des émissions de gaz à effet de serre des Français. En stimulant la demande et en cassant les prix, la multinationale contribue à la surproduction qui détruit la planète, arguent les Amis de la Terre.

En septembre 2018, ils ont saisi la Direction générale de la consommation et de la répression des fraudes, estimant qu’Amazon use de pratiques commerciales trompeuses. L’entreprise a développé depuis plusieurs années une pratique de site de marché (market place). C’est-à-dire qu’elle héberge sur son site des offres de vendeurs tiers, telles que des sociétés chinoises. Grâce à ce système, le géant se fait passer pour un simple intermédiaire qui mettrait en lien des particuliers, à l’image du site Le Bon Coin. Une manière de se dédouaner de toute responsabilité envers les consommateurs français. « Amazon ne respecte pas les droits de garantie et, lors de notre saisie, en septembre, elle ne reprenait toujours pas les déchets électroniques alors que c’était rendu obligatoire par la loi », déplore Alma Dufour, chargée de campagne au sein des Amis de la Terre. « Ces infractions permettent à Amazon d’être plus compétitif et de baisser ses prix pour renforcer son monopole, explique-t-elle. Amazon n’a rien d’un intermédiaire puisqu’elle organise le marché en cherchant à capter l’offre à bas prix des revendeurs chinois. Elle leur propose des services de traduction et des moyens logistiques pour expédier leurs articles. » Elle a même récemment obtenu l’autorisation d’effectuer directement du transport maritime de containers depuis la Chine.

 

Des infrastructures industrielles et polluantes 

En janvier 2019, la même association avait dévoilé, en lien avec des journalistes de l’émission Capital, sur M6, comment Amazon détruisait une partie de ses stocks de produits neufs invendus. En une année, plus de trois millions d’articles ont été jetés, selon les estimations d’élus de la CGT. Rien qu’à l’entrepôt de Sevrey, près de Chalon-sur-Saône, en trois mois, 300.000 objets neufs ont été broyés dans des containers et mis à la poubelle faute d’acheteur. Des boites de Playmobil, des couches-culottes, des écrans plats, des machines à laver… En cause ? Le système de facturation du stockage d’Amazon. Non seulement il dissuade les vendeurs de rapatrier leurs invendus (le prix est prohibitif) mais le coût du stockage augmente avec le temps : 26 euros/m³ au départ, 500 euros/m³ après six mois, 1.000 euros/m³ après un an. Si le vendeur ne trouve pas preneur, l’option la moins chère reste la destruction. Tant pis pour l’environnement. Amazon, elle, se frotte les mains. Pour attirer le client vers son site, la surproduction est nécessaire. Il faut pouvoir proposer une offre pléthorique, même si elle ne trouve pas de débouché.

Chez Amazon, seule la commande reste virtuelle. Derrière l’écran se dissimulent des infrastructures bien réelles, industrielles et polluantes. Greenpeace a épinglé, à plusieurs reprises, l’entreprise sur son empreinte écologique, lui attribuant la pire des notes possibles parmi l’ensemble des géants du numérique. Elle lui reproche, au-delà d’une utilisation massive d’énergies fossiles, son manque de transparence.

 

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’entreprise ne fournit aucune information au public. L’opacité est totale. Reporterre a pu le vérifier. Amazon n’a pas voulu donner suite à nos demandes d’entretien répétées, se cantonnant à envoyer par courriel, via une agence de communication, quelques éléments de langage, déjà disponibles sur son site.

« La multinationale s’est fixé comme objectif de rendre la moitié de ses livraisons neutres en carbone d’ici 2030 », nous assure-t-elle. Quels sont les moyens déployés ? « Des véhicules électriques, des carburants bio pour le transport aérien, des emballages recyclables et l’utilisation d’énergies renouvelables. »

Nous voilà rassurés ! Mais ce discours est sensiblement différent des scénarios que nous avons pu observer sur le terrain. Partout en France, les mégaentrepôts se multiplient, le fret routier s’intensifie et pollue davantage. Aux questions à ce sujet, l’entreprise n’a pas non plus souhaité nous répondre.

 


 

Alors pensez à tout cela lorsque vous commandez quelque chose chez Amazon (et c'est sans parler de la façon dont ils traitent leur personnel).
Personnellement, j'ai supprimé mon compte Amazon il y a un peu plus d'un an maintenant.
On peut vivre sans Amazon ! Rigolant

 

 

 



19/07/2019
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