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Tribune Libération - Le bac Blanquer ne passera pas - 14/01/2020

Le bac Blanquer ne passera pas

Par Un collectif de professeurs de lycée, universitaires et parents d’élève
 
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Une épreuve écrite du baccalauréat à Versailles, en 2018. Photo Benoît Tessier. Reuters
 
 
 

Un collectif de professeurs de lycée, universitaires et parents d’élève annonce leur volonté de boycotter l'examen, qui contrevient selon eux aux principes, au bon fonctionnement et à la mission de l’Education nationale.

 

Tribune. Quelles garanties l’Education nationale doit-elle offrir pour que le bac puisse avoir lieu ? Au moins trois : le respect et l’égalité des élèves, une préparation méthodique des épreuves et des apprentissages, des conditions de travail dignes pour le métier d’enseignant. La réforme Blanquer débute cette année. Fin janvier, début février, les élèves de première vont passer des épreuves du bac, les épreuves communes de contrôle continu (dites E3C). Mais, à tout niveau, c’est le chaos.

Une banque nationale des sujets devait conserver au bac sa nature de diplôme national et égalitaire. Au mépris de ses promesses, le ministère ne l’a dévoilée qu’avant les vacances de Noël. Et le résultat est consternant : des erreurs fréquentes, des exercices hors programme, une inattention coupable au respect du droit d’auteur ou à la neutralité commerciale…

 

Paniques en chaîne. Parmi les enseignants, sommés de faire bachoter sur quelques semaines et dans l’improvisation des élèves paniqués dont les parents paniquent. Et les proviseurs s’arrachent les cheveux pour organiser localement des épreuves qui, en pratique, ne respectent pas les conditions d’un examen national : des sujets par établissement faciles à fuiter et de niveaux de difficulté très divers, qu’ils n’ont toujours pas choisis ; des cours souvent non banalisés, ni salles avec un élève par table et deux surveillants, afin d’éviter les fraudes ; un anonymat très relatif des copies corrigées le plus souvent par les enseignants des établissements où se déroulent les épreuves. Dans ce contexte de rupture d’égalité voulue par Blanquer, la FCPE demande l’ajournement des épreuves. Et des syndicats enseignants s’accordent pour exiger l’annulation de ces E3C.

Le dira-t-on assez, pour des élèves de première, le «bac Blanquer» signifie souffrances et inégalités en cascade : ils sont sous pression, le stress monte, les crises d’angoisse se multiplient… Est-ce ainsi que l’on peut apprendre et décrocher son bac ? Avec le «bac Blanquer», l’élève ne fait que réviser. Il n’y a plus de temps pour l’acquisition et surtout l’examen critique des savoirs émancipateurs, pour développer la réflexion, ni même pour permettre la patiente progression des élèves. Car le «bac Blanquer» n’a pas cette visée. Il impose aux enseignants de noter, noter, hiérarchiser, sélectionner le plus tôt possible : ce n’est pas la progression continue de l’élève qu’évalue l’enseignant avec les E3C mais son classement par rapport à tous ceux qui, comme lui, postuleront dans Parcoursup dans l’espoir d’être acceptés dans le supérieur. La prise en compte des E3C dans Parcoursup consacre ainsi de fait la disparition du bac national comme premier grade universitaire. Quels élèves y gagnent ? Plus qu’hier, les initiés, ceux qui héritent des capitaux culturels de leurs familles ou qui bénéficient de coach et d’un soutien scolaire privé onéreux.

Avec les E3C, Blanquer change donc le contrat social entre l’école, ses enseignants et la jeunesse. A présent, au bout de quelques mois, pour les adolescents, l’école ferme les possibilités de mobilité sociale. Pour les enseignants, elle impose de préparer les épreuves, de corriger en même temps les E3C sur un temps très court tout en poursuivant leurs tâches habituelles d’enseignement, et d’organiser des sessions de rattrapage. Un dispositif de correction en ligne est d’ailleurs prévu, avec numérisation des copies, ce qui est une aberration écologique. Et concrètement, dans la précipitation générale, chaque lycée bricolera un bac à échelle locale en fonction de ses moyens. A chaque lycée son bac ? C’est là une nouvelle rupture d’égalité, ou plutôt un redoublement des inégalités sociales par des inégalités entre territoires d’enseignement.

En définitive, le «bac Blanquer» est un condensé de ce qui aujourd’hui ruine les conditions d’apprentissage et de travail dans les établissements scolaires et nourrit la souffrance engendrée par l’excès de tâches à accomplir et de charges mentale et émotionnelle à porter. Il s’inscrit dans un contexte de dégradation généralisée du service public de l’Education nationale et de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et d’une paupérisation et précarisation de ses personnels qui se manifeste aujourd’hui avec la réforme des retraites.

Pour toutes ces raisons nous boycotterons ce bac inégalitaire, qui contrevient aux principes, au bon fonctionnement et à la mission de l’Education nationale.

Tribune à l’initiative de la Fondation Copernic. La liste des 599 premiers signataires (professeurs de lycée, universitaires et parents d’élève) est accessible en cliquant ici.

 

https://www.liberation.fr/debats/2020/01/14/le-bac-blanquer-ne-passera-pas_1773006

 

 



22/01/2020
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